C’était un match incroyable qui s’est déroulé sous nos yeux ce soir. D’un côté comme de l’autre, les coeurs des supporters ont joué aux montagne russes.
La première période fut placée sous le signe de la Suisse. Les hommes de Vladimir Petković auront mené le match dès la quinzième minute, sur un but de Haris Seferović livré par Zuber. Le système à trois défenseurs établi par Deschamps n’aura pas impressionné les Suisses qui, solides, auront éparpillé les forces des Bleus ça et là sur le terrain, jusqu’à que sonne l’heure de la mi-temps.
Au retour des vestiaires, l’entraineur de l’équipe de France change la donne avec un passage en 4-4-2 et l’entrée de Kingsley Coman. Un pari réussi, puisque le jeu des Bleus reprend subitement de la consistance. La ferveur revient, et Karim Benzema apparaît comme un loup sort du bois. Après un premier but subtilement maîtrisé et amené par la passe décisive de Mbappé (57′), l’attaquant du Real Madrid signe un doublé de la tête, à peine deux minutes plus tard (59′). La foule française hurle dans les gradins, frappe des pieds, et scande fort « aller les Bleus » devant un public suisse en proie au désastre.
À la soixante-quinzième minute, c’est Pogba qui créé la surprise en marquant un but à son tour. Le premier depuis juillet 2018. La foule n’en peut plus, ça s’époumone et ça se bouscule. Même les Roumains qui avaient pris leurs billet pour le match se prennent au jeu et participent au brouhaha ambiant. La France mène 3-1, et l’issue du match semble déjà pliée. Mais cet Euro 2020 nous l’aura déjà prouvé, rien n’est jamais joué d’avance. Et si céder à ses émotions quand elles sont heureuses est libérateur, quand la chute survient, elle est d’autant plus rude. Et c’est ce qui s’est passé par la suite.
Les Suisses en ont profité pour faire entrer une fois de plus du sang neuf sur le terrain, dont Ruben Vargas, terrible milieu gauche du FC Augsbourg. La dynamique des porteurs du maillot blanc reprend, tandis que les Bleus s’épuisent. Haris Seferović veut lui aussi son doublé de la soirée, et marque sur la passe de Mbabu (81′). Les supporters suisses remettent un sourire sur leur visage, serrent leurs poings comme pour transmettre de l’énergie à leur équipe, fébriles. Le temps se suspend et l’écart sur le score se réduit. La France mène 3-2, mais se retrouve prête à se faire catapulter. Les minutes s’écoulent, Pogba récupère encore et toujours des balles en tous sens pour les distribuer à ses coéquipiers, et Mbappé quant à lui est encore neutralisé par l’adversaire, comme lors des précédents matchs. Le prodige du Paris Saint-Germain semble être arrivé dans cet Euro avec une cible dans le dos, le désignant comme l’homme à abattre de chaque match. Griezmann, épuisé, sort du terrain quelques instants avant la présumée fin du match (88′), remplacé par Moussa Sissoko. Fatale erreur ou non, personne ne le saura jamais, mais à la dernière minute, Mario Gavranović s’enflamme et marque, égalisant le score 3-3 (90′). Une intervention inespérée, qui plonge directement l’intégralité des supporters dans un mélange de doute et d’impatience. L’heure n’est désormais plus aux négociations, et la lutte qui doit s’engager va être féroce.
Au lancement des prolongations, la foule est tendue, au moins autant que les visages des joueurs sur le terrain. Écrasés par la fatigue de cette rencontre au rythme élevé, chacun d’eux est en sueur à cause de l’effort, et d’autres encore se courbent pour se relâcher et récupérer le peu de jambes qu’il leur reste. On sent à l’ambiance, presque palpable, qu’aucune des équipes ne souhaite concéder la moindre chance à l’autre. Le duel ne se contente plus d’être seulement physique ou tactique, il devient entièrement mental. Le drapeau des quarts de finale s’agite sous le nez des concurrents, et tous veulent être le premier à s’en saisir. Pourtant, aucun d’eux n’y arrivera. Si la France, qui joue ses douzièmes prolongations depuis quarante ans, réussi en général à sortir son épingle du jeu trois fois sur quatre, ce match face à la Suisse sera en revanche à classer dans les exceptions. À 120’+1′, les prolongations sont terminées et le score est toujours nul. Le seul moyen pour les Bleus de s’en sortir, à présent, est de briller lors de la séance de tirs au but.
Le suspens est à son comble. Dans les gradins, devant les télés, chacun retient son souffle à chaque tir. Hugo Lloris, comme ses coéquipiers, arrive au bout de ses capacités, et manque de justesse d’arrêter un des buts. Avec 5 tirs pour la Suisse et 4 pour la France, Mbappé, dernier à passer, tient désormais le sort des Bleus entre ses mains. Complètement à bout, son tir hésitant sera arrêté avec facilité par Yann Sommer. Les Suisses sont donc victorieux, et se sautent dans les bras, enfin débarrassés de tout ce dur labeur. Pour les Français, par contre, la défaite est amère. Inconcevable. Iréelle. Mais Kylian Mbappé, lui, en a bien conscience. En témoigne cette photo prise sur le vif, où, au milieu des joueurs de la Nati qui célèbrent leur victoire, le jeune joueur du PSG s’en va à contre courant, la tête baissée et les épaules lourdes, abattu.
Les Bleus ne disputeront pas les quarts de finale d’une compétition majeure (Euro et Coupe du monde) pour la première fois depuis le Mondial 2010, où ils avaient été éliminés en phase de groupes. La Suisse quant à elle est qualifiée en quarts de finales en compétition majeure pour la première fois depuis 1954. La seule consolation se trouvera du côté de Karim Benzema, qui a atteint la barre des 31 buts sous le maillot des Bleus lors de ce match, et qui se place ainsi aux côté de Zinédine Zidane au sixième rang des meilleurs buteurs de l’équipe de France.
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